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Accord de non-débauchage : un gentlemen’s agreement sanctionné ?

Cabinet RYDGE Conseil

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Mise en ligne le 31/10/2025

4 min

Accord de non-débauchage : un gentlemen’s agreement sanctionné ?

Le droit de la concurrence est un pilier fondamental du bon fonctionnement des marchés. Il vise à garantir une concurrence libre et loyale entre les entreprises, au bénéfice des consommateurs, de l’innovation et de l’économie en règle générale.

En encadrant les comportements des acteurs économiques, il vise à éviter les dérives qui pourraient fausser le jeu concurrentiel, telles que les ententes illicites, les abus de position dominante ou encore les concentrations anticoncurrentielles.

Les acteurs qui pourraient se laisser tenter par ces pratiques s’exposent à des sanctions lourdes.

Illustration à partir d’un exemple récent, qui a trait aux « gentlemen’s agreement » : de quoi s’agit-il et pourquoi est-ce sanctionné ?

L’autorité de la concurrence

L’Autorité de la concurrence est une autorité administrative française qui a pour mission de veiller à ce qu’une libre concurrence se maintienne entre les différents acteurs économiques d’un marché.

Pour ce faire, elle s’appuie sur un large éventail d’outils législatifs européens et français.

Existante sous sa forme actuelle depuis 2009, son histoire remonte néanmoins à 1953 lorsqu’elle est née sous le nom de « Commission technique des ententes ».

Pour mener à bien sa mission, elle concentre sa mission autour de plusieurs axes :

  • lutter contre les pratiques anticoncurrentielles ;
  • contrôler les opérations de fusion-acquisition ;
  • formuler des avis et émettre des recommandations ;
  • encadrer certaines professions réglementées du droit (notaires, commissaires de justice).

À l’occasion de sa surveillance des pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité de la concurrence peut être amenée à infliger des sanctions importantes à tout acteur qui prendrait part à des actions néfastes pour la libre concurrence.

Les principales atteintes à la concurrence

Parmi les principales pratiques anticoncurrentielles que l’Autorité de la concurrence est amenée à contrôler et sanctionner, il est possible de citer quelques exemples fréquemment rencontrés :

  • les ententes anticoncurrentielles : plusieurs acteurs d’un marché s’entendent pour fausser le jeu de la concurrence (entente sur les prix, partage du marché, etc.) ;
  • les abus de position dominante : un acteur en position dominante sur un marché abuse de cette position pour évincer ou freiner la concurrence (prix excessivement bas, refus de vente, rupture abusive de relations commerciales, etc.) ;
  • les barrages à l’entrée : un acteur établi et bien ancré dans un marché cherche à empêcher l’émergence de nouveaux acteurs (accords d’exclusivité avec des fournisseurs, saturation du marché, etc.) ;
  • les ventes liées : un acteur va contraindre à l’achat d’un produit annexe au sien pour se favoriser lui-même ou un autre acteur au détriment des autres (vente d’un logiciel ou d’un service nécessaire à l’utilisation d’un matériel, etc.).

Les accords de non-débauchage

Il est un cas particulier d’entente qui a récemment nécessité une intervention de l’Autorité de la concurrence.

En effet, elle a pu prendre connaissance d’accords existants entre plusieurs acteurs positionnés sur les marchés de l’ingénierie, du conseil en technologies et des services informatiques.

Ces secteurs se caractérisent par une forte tension au niveau des ressources humaines du fait :

  • des mouvements importants de personnel entre les différentes entreprises du secteur,
  • du haut niveau de qualification des collaborateurs, qui en font des atouts très stratégiques pour les entreprises qui les emploient.

Ces entreprises ont tout intérêt à conserver ces collaborateurs, afin d’éviter :

  • la perte d’un savoir-faire à forte valeur,
  • qu’une trop grande concurrence se développe entre les différents employeurs du secteur pour s’offrir les services de cette main-d’œuvre particulièrement qualifiée.

Une concurrence qui ne manquerait pas de faire augmenter les prétentions salariales…

Dans ce contexte, plusieurs entreprises des secteurs concernés ont décidé de conclure ensemble des accords sous la forme de gentlemen’s agreement, soit des engagements verbaux reposant sur la parole donnée, plutôt que sur de réels engagements juridiquement contraignants.

Le but de ces accords était, pour ces entreprises, de s’abstenir de recruter parmi le personnel des autres membres à l’accord. Ces ententes étaient appliquées sans la moindre limite temporelle ou territoriale et concernaient à la fois les campagnes d’embauches à l’initiative des entreprises, mais, également, les candidatures spontanées des collaborateurs.

Ces accords, trop généraux et imprécis, constituent pour l’Autorité de la concurrence des ententes anticoncurrentielles : selon elle, de tels arrangements, généraux et sans limitations, vont par essence porter atteinte à la libre concurrence du marché.

De plus, circonstance aggravante pour l’Autorité de la concurrence, ces accords ont, également, porté atteinte directement aux salariés qui ont pu se trouver privés de mobilité et d’avancement professionnel et, potentiellement, d’une amélioration de leur niveau de vie.

Ainsi, l’Autorité de la concurrence a décidé d’infliger des amendes d’un montant particulièrement élevé aux entreprises identifiées comme parties à ces accords.

Le cas des contrats de partenariat

Il est intéressant de noter que certaines entreprises ont pu échapper aux sanctions ou voir celles-ci limitées.

Dans ces cas précis, il a été relevé que les accords de non-débauchage ne prenaient pas la forme de gentlemen’s agreement, mais de clauses de non-sollicitation insérées dans des contrats de partenariat.

Ces clauses apparaissaient alors suffisamment cadrées et limitées pour que l’Autorité de la concurrence considère que ces cas ne portaient pas d’atteinte grave à la libre concurrence.

Elle précise, toutefois, que son positionnement est bien lié à un cas précis et ne doit pas être interprété comme une validation générale de ce type de clauses.

Le programme de clémence

Si cette décision de l’Autorité de la concurrence a été rendue possible, c’est grâce à une des parties à ces accords qui a décidé de se dénoncer elle-même dans l’espoir d’une dispense de sanction.

Cela est possible grâce au programme de clémence, un outil mis à la disposition de l’Autorité de la concurrence, afin d’inciter les parties à des ententes illégales à se dénoncer.

Grâce à ce programme, il est, en effet, possible pour une partie à un accord anticoncurrentiel de se rapprocher de l’Autorité de la concurrence pour lui révéler l’existence de cet accord, en fournissant toutes les preuves nécessaires pour établir sa réalité.

Si les preuves sont suffisantes, le demandeur de clémence peut espérer une exonération totale de sanction.

D’autres parties peuvent, ensuite, bénéficier de la clémence en apportant leurs éléments, sans pour autant espérer une exonération totale de sanction.

L’exonération est dégressive en fonction du « rang » d’arrivée des parties :

  • 1er rang : 100 % :
  • 2e rang : de 25 à 50 % ;
  • 3e rang : de 15 à 40 % ;
  • 4e rang et plus : jusqu’à 25 %.

L’objectif est ici d’installer la crainte qu’une autre partie souhaite dénoncer l’entente et, ainsi, pousser chacune à vouloir être la première pour bénéficier de l’exonération totale.

Il faut, en outre, noter que l’Autorité de la concurrence estime que ce dispositif a également eu un rôle préventif, en dissuadant plusieurs acteurs de se joindre à des ententes.

Sources :

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