Créer et diriger une entreprise, c’est souvent s’exposer à différents types de risques, qu’il s’agisse de risques financiers, de risques commerciaux, de risques liés à des prises de décision dans la conduite des affaires, de risques liés à la conjoncture économique qui n’est pas toujours favorable, etc.
Au-delà de ces risques inhérents à l’activité elle-même, il peut arriver qu’un chef d’entreprise se retrouve confronté à des difficultés d’ordre plus personnel qui peuvent l’empêcher, même temporairement, d’assurer ses fonctions et qui peuvent, par voie de conséquence, fragiliser l’entreprise et, par voie d’extension, déstabiliser sa vie familiale.
Baisse du chiffre d’affaires, perte de revenus, continuité de l’activité, etc. sont autant de contraintes qui nécessitent d’être anticipées : comment ?
Les enjeux
L’absence d’un dirigeant peut résulter de différentes circonstances et être définitive, puisque causée par son décès ou une invalidité permanente qui l’empêche d’être présent dans l’entreprise, ou temporaire, liée à une incapacité d’exercer son activité, sur un temps plus ou moins long.
Ces situations sont de nature à entraîner des conséquences qui peuvent être particulièrement contraignantes, tant pour l’entreprise que pour sa famille :
Pour l’entreprise, de manière quasi immédiate, il peut en résulter une baisse du chiffre d’affaires, des contraintes d’organisation, notamment liée à la gouvernance, des pertes de repères et des contraintes relationnelles, notamment vis-à-vis des collaborateurs de l’entreprise, des clients, des fournisseurs, des partenaires de l’entreprise, etc.
Pour la famille, il peut s’ensuivre des pertes de revenus, un appauvrissement de la valeur du patrimoine, notamment lié à la perte de valeur de l’entreprise qui constitue, bien souvent, la majeure partie de son patrimoine en valeur, de potentiels conflits familiaux liés, par exemple, à des problèmes de gouvernance et de continuité d’activité ou, dans les cas les plus graves, des difficultés successorales et une mésentente entre héritiers, etc.
Toutes ces situations ne doivent pas être subies, mais, au contraire, doivent être anticipées. Deux axes de réflexion peuvent, ainsi, être menés, le premier sur le plan juridique et le second sur le plan assurantiel.
Les solutions
Plusieurs outils sont à votre disposition pour anticiper la protection de l’entreprise et de la famille du dirigeant dans l’hypothèse de son absence, même temporaire.
Sur le plan juridique
De manière non exhaustive, il est possible de prévoir des dispositions pour se prémunir contre une absence plus ou moins prolongée du dirigeant de l’entreprise, afin d’assurer une continuité de l’activité tout en prémunissant le patrimoine familial.
Adapter la rédaction des clauses statuaires
Le 1er dispositif qui mérite une attention vise les clauses reprises dans les statuts de la société, notamment au regard de l’étendue et de la répartition des pouvoirs dévolus aux dirigeants, du mode de gouvernance de l’entreprise et de la transmission des parts.
Voici quelques exemples de ce qu’il est possible de mettre en œuvre :
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adapter la rédaction des clauses en rapport avec la gouvernance de la société, en prévoyant la nomination de plus mandataires sociaux titulaires ou suppléants : l’objectif, ici, sera d’assurer la continuité de l’activité et l’administration de la société ;
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adapter la rédaction des clauses liées à la transmission des parts ou actions, que ce soit via la clause d’agrément des nouveaux associés, la clause de préemption qui favorise les associés en place en cas de transmission des parts ou actions, la clause d’inaliénabilité qui permet de limiter les possibilités de transmission de ces parts ou actions : l’objectif, ici, est d’assurer le contrôle du capital de la société et, donc, sa gouvernance.
Mettre en place un pacte d’associés
Le 2nd dispositif qui peut être mis en place est le pacte d’associés ou pacte d’actionnaires, conclu entre tout ou partie des associés d’une entreprise, en complément des statuts de la société.
Ce pacte a vocation à organiser les relations entre associés, en plus des règles prévues par les statuts, qu’il s’agisse des questions de gouvernance, de répartition des pouvoirs, de cessions de titres, etc.
Mettre en place un pacte d’associés ou d’actionnaires présente de multiples intérêts :
- assurer une certaine confidentialité des règles régissant le fonctionnement et la gouvernance de l’entreprise, le pacte n’étant pas rendu public ;
- assurer la stabilité de l’actionnariat en adoptant des clauses plus restrictives ou contraignantes que celles prévues par les statuts ou encore en prévoyant des cas d’obligations de vente ou de rachat de titres ;
- prévoir une répartition équilibrée des pouvoirs en rédigeant des clauses adaptées aux intérêts de chacun ;
- gérer l’issue des potentiels conflits en proposant des modes de résolution ;
- protéger les dirigeants de la société en prévoyant des dispositifs anti-dilution, en anticipant la valeur des cessions de titres en fonction des circonstances de la vente, etc.
Prévoir un mandat de protection future
Le mandat de protection future est un outil particulièrement adapté pour les dirigeants d’entreprises qui veulent anticiper une perte de capacité ou une absence temporaire causées par un accident, une maladie, etc.
Par ce mandat, une personne (le mandant) désigne à l’avance une ou plusieurs personnes (le ou les mandataires) pour la représenter le jour où elle ne pourra plus être en capacité de veiller sur ses intérêts : ce mandat donne, donc, le pouvoir au dirigeant d’organiser à l’avance sa protection, en évitant l’ouverture d’une mesure judiciaire d’incapacité.
Au-delà de l’anticipation d’une éventuelle incapacité du dirigeant, les intérêts de ce dispositif sont multiples :
- éviter une mise sous tutelle ou curatelle ;
- assurer la continuité de la gestion, en permettant au mandataire désigné de prendre des décisions stratégiques, de signer des contrats, de gérer les comptes, d’assurer les décisions de gestion, etc., selon les termes du mandat ;
- personnaliser la délégation, le choix du mandataire étant libre : personne de confiance membre de la famille, un associé, etc. ;
- protéger le patrimoine professionnel et personnel ;
- etc.
Il est impératif de choisir un mandataire de confiance compétent, de définir clairement l’étendue des pouvoirs qui lui seront dévolus et de prévoir des modalités de contrôle de son action.
Prévoir un mandat à effet posthume
Le mandat à effet posthume a, lui, vocation à assurer une transition sereine et maîtrisée en cas de décès du dirigeant d’entreprise : par ce mandat, une personne (le mandant) désigne, de son vivant et par écrit, une ou plusieurs personnes (les mandataires) pour gérer tout ou partie de son patrimoine après son décès, dans l’intérêt des héritiers.
Là encore, ce dispositif présente bon nombre d’intérêts :
- assurer la continuité de l’exploitation de l’activité et adapter la transition, en formant un repreneur, en préparant la vente, en structurant la transmission de l’entreprise, etc. ;
- protéger les héritiers et éviter, le cas échéant, les conflits familiaux ;
- assurer la préservation de la valeur de l’entreprise en anticipant les conséquences d’un départ soudain du dirigeant ;
- etc.
Comme pour le mandat de protection future, il est impératif de choisir un mandataire de confiance compétent, de définir clairement l’étendue des pouvoirs qui lui seront dévolus et de prévoir des modalités de contrôle de son action.
Mettre en place un pacte Dutreil
Le Pacte Dutreil est un dispositif fiscal qui permet une réduction importante des droits de mutation à titre gratuit (donation ou succession) lors de la transmission d’une entreprise (individuelle ou sociétaire).
Au-delà de l’intérêt fiscal, cet outil permet, aussi, de préserver l’outil de travail, en favorisant la transmission familiale de l’entreprise, dans le but d’assurer la stabilité et la pérennité de l’entreprise.
De nombreuses conditions sont prévues dans le cadre de ce dispositif et notamment des engagements de conservation de titres, collectif et individuel, ce qui nécessite d’anticiper sa mise en place via une stratégie patrimoniale en amont.
Sur le plan assurantiel
Protéger le dirigeant et l’entreprise passe, aussi, par la mise en place de contrats d’assurance dont l’objectif sera de les assurer contre les aléas de la vie. Il pourra s’agir de :
- mettre en place un contrat de prévoyance en vue de couvrir les risques de maladie ou d’accident ayant pour conséquences l’incapacité de travail, l’invalidité ou le décès : l’objectif sera, ici, de prévoir les garanties couvertes par le contrat et les modalités d’indemnisation en cas de survenance du risque assuré ;
- souscrire une assurance homme-clé qui est une assurance prise pour le dirigeant ou toute personne jugée indispensable à la pérennité ou à la rentabilité de l’entreprise et qui permet de prémunir l’entreprise en cas d’absence de la personne assurée (prise en charge des pertes d’exploitation, de la baisse de productivité, du coût d’un remplacement, etc.) : l’objectif, ici, est de limiter la perte de chiffre d’affaires, de garder une bonne image de marque, de rassurer les collaborateurs, les clients, les fournisseurs sur la pérennité et le fonctionnement de l’entreprise, mais aussi d’accompagner la société dans le remplacement de l’homme clé disparu ou indisponible ;
- opter pour un contrat d’assurance décès souscrit entre associés (on parle de garanties croisées entre associés) dans lequel les associés s’assurent entre eux et qui prévoit, en cas de décès de l’un d’eux, la possibilité pour les associés survivants de percevoir un capital leur permettant de racheter les parts du défunt : l’objectif, ici, est de disposer d’un outil de protection patrimonial, mais aussi de garantir la continuité de l’entreprise.
Sources :